VRAI OU FAUX. Téléphones et sextoys "mouchards" : la police pourra-t-elle désormais espionner vos appareils électroniques ?

  • Eric Dupond-Moretti défend ce projet de loi à l'Assemblée nationale
    Eric Dupond-Moretti défend ce projet de loi à l'Assemblée nationale AFP - BERTRAND GUAY
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l'essentiel La loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 est débattue à l'Assemblée Nationale. L'article 3 fait polémique, mais pourra-t-il donner accès à la police à vos appareils électroniques ?

Un texte de loi, voté mercredi 5 juillet à l'Assemblée, provoque crispation et inquiétudes de la gauche, de certains avocats et d'associations de défense des libertés. Le controversé article 3 de la loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 a été validé par 80 voix pour, contre 24 contre. Mais que contient-il réellement ? Permettra-t-il vraiment à la police de nous espionner comme le craignent ses adversaires ? Éléments de réponse.

Un article nouveau...

Le but de cet article est de permettre, dans le cadre d'enquêtes sur des affaires de criminalité organisée et de terrorisme, d'activer à distance des appareils électroniques comme des ordinateurs ou des téléphones afin de localiser, d'écouter et de filmer les personnes visées. Pour des enquêtes concernant "un crime ou un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement", l'activation d'appareils à distance sera autorisée "aux seules fins de procéder à la localisation en temps réel". Une autorisation devra dans tous les cas être fournie par un juge des libertés et de la détention ou par un juge d'instruction pour une durée maximale de six mois.

Vous ne devriez donc pas subir ces techniques de surveillance sauf si vous êtes visé par ce genre d'enquêtes. Des professions seront cependant "protégées" de ce type de surveillance comme les journalistes, les avocats ou encore les parlementaires.

... qui encadre des pratiques déjà existantes

Le gouvernement défend ces dispositions en affirmant vouloir inscrire dans la loi des pratiques déjà utilisées par la police et les services de renseignements. L'objectif est donc d'apporter des cadres légaux à des pratiques peu encadrées jusqu'alors, mais déjà répandues dans les procédures judiciaires.

Le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti a affirmé que c'est une "vieille technique" en les comparant à la pose de caméras ou de micros chez des suspects. Du côté de la géolocalisation, il a rappelé que c'est déjà légal pour les crimes et délits punis d'au moins trois ans de prison avec la pose de balise par les enquêteurs et le bornage des téléphones portables. 

Pourquoi il fait débat

La gauche est montée au créneau, sans succès, contre ces dispositions parlant "d'intrusion dans la vie privée", LFI qualifiant l'introduction de ce texte de "dérive autoritaire". Des associations comme l'Observatoire des libertés et du numérique parle également d'une "surenchère sécuritaire" craignant le début d'une transformation de tous nos objets connectés en mouchard.

La Quadrature du Net, qui défend les libertés fondamentales dans l'environnement numérique, qualifie la mesure "d'extrêmement inquiétante" permettant "les possibilités d'intrusion policière, en transformant tous nos outils informatiques en potentiels espions".

Le gouvernement a présenté le #PJLJustice. Il contient un art 3 qui permettrait à la police de pirater les objets connectés pour surveiller leurs propriétaires. Nous cosignons ce communiqué de l'OLN afin de dénoncer cette mesure extrêmement inquiétante.https://t.co/PYhydJIOII

— La Quadrature du Net (@laquadrature) May 31, 2023

Le député LFI Ugo Bernalici a, lui, provoqué une polémique (et fait rire l'Assemblée) en défendant mardi soir un amendement souhaitant explicitement interdire à la police de pouvoir activer à distance, de localiser et d'utiliser les données, comme le son et l'image... des objets sexuels connectés.

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Le ministre de la Justice s'est quant à lui défendu : "On est loin du totalitarisme de 1984", soulignant les "garanties" et les "garde-fous" apportés dans ce texte.

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