ENTRETIEN. Guerre en Ukraine : rumeurs, fake news, réseaux sociaux... "De véritables armes de guerre" alerte une spécialiste

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  • Vladimir Poutine, le président russe, est l'objet de nombreuses informations souvent difficiles à vérifier sur les réseaux sociaux.
    Vladimir Poutine, le président russe, est l'objet de nombreuses informations souvent difficiles à vérifier sur les réseaux sociaux. SPUTNIK / AFP - GAVRIIL GRIGOROV
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Propos recueillis par Laura Lude

l'essentiel Alors que sur le terrain, le conflit est toujours aussi intense en Ukraine, une autre guerre fait rage, celle de l'information, notamment sur internet. Rumeurs, fake news, manipulation...La Dépêche du Midi fait le point avec Asma Mhalla ,spécialiste des enjeux géopolitiques du numérique. 

Depuis le début de la guerre en Ukraine, il est parfois difficile de démêler le vrai du faux. La guerre de l'information fait rage et déstabilise nos connaissances. Une stratégie bien rodée sur laquelle revient, pour La Dêpeche, la spécialiste des enjeux géopolitiques du numérique Asma Mhalla. 

La Dépêche du Midi : Qu'est-ce que la "guerre de l'info" ?

Asma Mhalla : Quand on parle de "guerre informationnelle", ce n’est rien d'autre que ce qu’on appelait autrefois la propagande. Les informations sont des données stratégiques. L'objectif est de convaincre l'opinion publique et d'injecter des narratifs qu'ils soient malveillants ou bienveillants pour faire pencher l'opinion publique vers telle ou telle décision. Dans un régime autoritaire, les enjeux ou les modalités sont radicalement différents. La guerre informationnelle se joue entre deux puissances, deux états qui se confrontent et qui vont injecter leur version d’un conflit. D’abord vers leur population intérieure, puis en manipulant des opinions de la population adverse ou ennemie. Et en l'occurrence, la Russie a largement industrialisé cela.

Comment sont propagées les informations ?

Il y a une sorte d'industrialisation de l'information. En Russie, ce sont souvent des groupes para-étatiques, très proches du Kremlin, mais qui ont aussi Wagner (NDLR : société militaire privée russe) dans leur giron. Concrètement, cela suppose de développer des méthodes de viralité ou d’amplification dites "inauthentiques". Pour ce faire, vous allez avoir des BOT (logiciels intelligents) qui vont booster la viralité d'une information. Vous avez des équipes qui sont payées pour faire ce travail-là. Ils vont produire soit du "contre-narratif", c'est-à-dire qu’ils vont venir répondre à quelque chose, soit construire une fausse information.

Comment est construite une fausse information ?

Généralement, c'est une information qui part du réel, qui est décontextualisée ou divulguée partiellement, et autour de laquelle on va raconter une autre histoire. L'objectif est de fragiliser une cohésion nationale et d'appuyer sur les failles qui existent. Pour cela, les lanceurs d'informations infiltrent beaucoup les groupes complotistes qui vont ensuite augmenter la brutalisation, la polarisation du débat public.

Quels sont les objectifs d'une désinformation ?

Si on prend le cas de la guerre en Ukraine, tout dépend des cibles. Le premier objectif des Russes envers les Ukrainiens est de déstabiliser, de casser le moral des troupes militaires, mais aussi de la population. Vers l'Occident, le but sera de fragiliser les démocraties en prenant appui notamment sur des influenceurs d'extrême droite ou encore des groupes complotistes.

Selon vous, les rumeurs d'attentat contre Vladimir Poutine pourraient-elles être le fruit de la guerre informationnelle ?

Typiquement, cette histoire d'attentat a pu être fomentée par l'Ukraine, mais aussi par la Russie. Il s'agit là d'une hypothèse mais cette information aurait pu avoir pour but de recréer une cohésion nationale autour de Poutine et de son projet. Si on vous attaque, cela provoque un esprit de corps.

A lire aussi : Tentative d'assassinat sur Vladimir Poutine ? Ces nouvelles rumeurs concernant une attaque de son convoi

Quels sont vos conseils pour bien s'informer ?

Il faut s'informer auprès de médias reconnus qui sourcent leurs informations. Ne jamais croire d'emblée ce qu'on lit, ce qu'on voit, penser à bien vérifier les sources. Il faut faire attention aux médias difficilement retraçables. Attention également aux réseaux sociaux, ce sont de véritables armes de guerre ! Twitter et Facebook sont devenus des acteurs géopolitiques à part entière. Nous avons pu nous en rendre compte notamment quand Facebook a dû invisibiliser certains médias russes : ça donne une idée de l'importance de leur rôle.

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Les commentaires (9)
alicete Il y a 1 année Le 16/09/2022 à 20:25

Bravo @cama33
Votre message illustre parfaitement l'article. Pour ceux qui en doutaient encore...

cama33 Il y a 1 année Le 16/09/2022 à 18:01

Soit l'on se retrouve face à de la désinformation, soit l'on se retrouve face à de l'information partielle (CAD que l'on oublie de dire certaines choses et le lecteur ne peut pas se faire une idée de la réalité). Les journalistes de France Télévision, de la 1 à la cinq, sont champions dans le domaine et le pire, c'est qu'ils font venir sur le plateau de soit-disant spécialistes en économie, en stratégie militaire et en géopolitique qui brasse du vent, soit par crainte de ne pas être repris sur le plateau, soit par conviction politique, allez savoir ! Beaucoup d'erreurs sont dites, et les scènes maquillées sont légions sur les champs de bataille. Quand les américains font la guerre, tous les prétextes sont bons et cela passe comme une lettre à la poste. Quand Poutine défendait les ukrainiens pro russe qui se faisaient massacrer par Zelinsky et son armée, cela ne posait de problème à personne. Aujourd'hui, les soldats morts ennemies sont enterrés dans des fosses communes...rien de surnaturel; dans toutes les guerres, on retrouve le même scénario. Monsieur Zelinsky a t il parlé des soldats russes prisonniers ? ils sont où ? dans des camps ? pose vous déjà la question de savoir si il a fait beaucoup de prisonniers. Monsieur Zelinsky a t il oui ou non utilisé les civils ukrainiens comme des boucliers humains pour protéger ses troupes ? Pourquoi monsieur Zelinsky n'a t il pas fait évacué les habitants des zones de guerre...il a attendu plusieurs mois avant de réagir, en raison de l'opinion international qui a mis la pression. Pourquoi monsieur Zelinsky a t il refusé que les scientifiques (AIEA) contrôle la centrale nucléaire occupé par les russes, alors que Poutine était d'accord; sous la pression de certains chefs d’État, Zelinsky a finalement accepté. On pourrait se demander si monsieur Zelinsky apporte beaucoup d'attention aux intérêts d'une partie du peuple ukrainien qui ne veut pas de l'Otan, de la CEE et qui préfère rester du côté de la Russie: il les a tout simplement massacré et traité comme des moins que rien...on appelle cela l'humanité à sens unique...cordialement

Bastien.d17 Il y a 1 année Le 16/09/2022 à 23:17

vous faites bien la désinfo russe, merci pour cet exemple des déli.res propagés par Put.in et ses troupes

SebLob Il y a 1 année Le 16/09/2022 à 12:42

"Comment est construite une fausse information ?

Généralement, c'est une information qui part du réel, qui est décontextualisée ou divulguée partiellement, et autour de laquelle on va raconter une autre histoire."

Quasiement CHAQUE article de la Dépêche est ainsi.

Une information trés souvent incomplète, et ensuite le journaliste qui dirige le lecteur vers SON opinion, là ou normalement le journaliste doit se contenter des faits ...