ENTRETIEN. Guerre en Ukraine : rumeurs, fake news, réseaux sociaux... "De véritables armes de guerre" alerte une spécialiste
Alors que sur le terrain, le conflit est toujours aussi intense en Ukraine, une autre guerre fait rage, celle de l'information, notamment sur internet. Rumeurs, fake news, manipulation...La Dépêche du Midi fait le point avec Asma Mhalla ,spécialiste des enjeux géopolitiques du numérique.
Depuis le début de la guerre en Ukraine, il est parfois difficile de démêler le vrai du faux. La guerre de l'information fait rage et déstabilise nos connaissances. Une stratégie bien rodée sur laquelle revient, pour La Dêpeche, la spécialiste des enjeux géopolitiques du numérique Asma Mhalla.
La Dépêche du Midi : Qu'est-ce que la "guerre de l'info" ?
Asma Mhalla : Quand on parle de "guerre informationnelle", ce n’est rien d'autre que ce qu’on appelait autrefois la propagande. Les informations sont des données stratégiques. L'objectif est de convaincre l'opinion publique et d'injecter des narratifs qu'ils soient malveillants ou bienveillants pour faire pencher l'opinion publique vers telle ou telle décision. Dans un régime autoritaire, les enjeux ou les modalités sont radicalement différents. La guerre informationnelle se joue entre deux puissances, deux états qui se confrontent et qui vont injecter leur version d’un conflit. D’abord vers leur population intérieure, puis en manipulant des opinions de la population adverse ou ennemie. Et en l'occurrence, la Russie a largement industrialisé cela.
Comment sont propagées les informations ?
Il y a une sorte d'industrialisation de l'information. En Russie, ce sont souvent des groupes para-étatiques, très proches du Kremlin, mais qui ont aussi Wagner (NDLR : société militaire privée russe) dans leur giron. Concrètement, cela suppose de développer des méthodes de viralité ou d’amplification dites "inauthentiques". Pour ce faire, vous allez avoir des BOT (logiciels intelligents) qui vont booster la viralité d'une information. Vous avez des équipes qui sont payées pour faire ce travail-là. Ils vont produire soit du "contre-narratif", c'est-à-dire qu’ils vont venir répondre à quelque chose, soit construire une fausse information.
Comment est construite une fausse information ?
Généralement, c'est une information qui part du réel, qui est décontextualisée ou divulguée partiellement, et autour de laquelle on va raconter une autre histoire. L'objectif est de fragiliser une cohésion nationale et d'appuyer sur les failles qui existent. Pour cela, les lanceurs d'informations infiltrent beaucoup les groupes complotistes qui vont ensuite augmenter la brutalisation, la polarisation du débat public.
Quels sont les objectifs d'une désinformation ?
Si on prend le cas de la guerre en Ukraine, tout dépend des cibles. Le premier objectif des Russes envers les Ukrainiens est de déstabiliser, de casser le moral des troupes militaires, mais aussi de la population. Vers l'Occident, le but sera de fragiliser les démocraties en prenant appui notamment sur des influenceurs d'extrême droite ou encore des groupes complotistes.
Selon vous, les rumeurs d'attentat contre Vladimir Poutine pourraient-elles être le fruit de la guerre informationnelle ?
Typiquement, cette histoire d'attentat a pu être fomentée par l'Ukraine, mais aussi par la Russie. Il s'agit là d'une hypothèse mais cette information aurait pu avoir pour but de recréer une cohésion nationale autour de Poutine et de son projet. Si on vous attaque, cela provoque un esprit de corps.
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Quels sont vos conseils pour bien s'informer ?
Il faut s'informer auprès de médias reconnus qui sourcent leurs informations. Ne jamais croire d'emblée ce qu'on lit, ce qu'on voit, penser à bien vérifier les sources. Il faut faire attention aux médias difficilement retraçables. Attention également aux réseaux sociaux, ce sont de véritables armes de guerre ! Twitter et Facebook sont devenus des acteurs géopolitiques à part entière. Nous avons pu nous en rendre compte notamment quand Facebook a dû invisibiliser certains médias russes : ça donne une idée de l'importance de leur rôle.
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